samedi 14 mars 2020

Protestation des députés du Grand Est au traité d'annexion de l'Alsace Lorraine


Traité de 1870, vote de l’Assemblée Nationale.








28 janvier 1871. Armistice de la guerre de 1870. C’est le désordre au niveau du territoire français occupé par l’armée allemande qui s’installe en attendant des dommages de guerre que le traité va ratifier. On observe une très grande disparité entre Paris et la province. Paris affiche sa  volonté de résistance, alors que  la province veut en finir avec la guerre.





Des élections législatives au suffrage universel ont lieu le 8 février 1871. Suite à ces élections, l’Assemblée nationale se réunit à Bordeaux le 13 février 1871. Elle est dominée par les partis conservateurs (en particulier les royalistes). 






Le 16 février, Jules Grévy est porté à la présidence de l’Assemblée, Adolphe Thiers est élu chef du gouvernement. Il obtient carte blanche pour négocier les préliminaires de paix avec Bismarck.


Jules Grevy


Adolphe Thiers






En pleine négociation de paix, le 17 février, Emile Keller, député,  proteste contre la volonté du gouvernement français d’abandonner à l’Allemagne naissante l’Alsace-Lorraine.




Emile Keller
« Je n'ai pas, à l'heure qu'il est, la prétention de changer des dispositions trop arrêtées dans un grand nombre d'esprits. Seulement j'ai tenu, avant de quitter cette enceinte, à protester, comme Alsacien et comme Français, contre un traité qui à mes yeux est une injustice, un mensonge et un déshonneur, et, si l'Assemblée devait le ratifier, d'avance j'en appelle à Dieu, vengeur des justes causes, j'en appelle à la postérité qui nous jugera les uns et les autres, j'en appelle à tous les peuples qui ne peuvent pas indéfiniment se laisser vendre comme un vil bétail, j'en appelle enfin même à l'épée de tous les gens de cœur, qui, le plus tôt possible, déchireront ce détestable traité ! »



Emile Kuss



Mais Thiers demeure intraitable.
Même la mort subite de Emile Kuss, maire de Strasbourg, terrassé par une crise cardiaque à Bordeaux le 1er mars 1871 et les grandioses funérailles que lui font les Strasbourgeois ny changeront rien.















Le texte préliminaire sera ratifié par l’Assemblée Nationale réunie le 1° mars à Bordeaux. 546 voix pour, 23 abstentions et 170 voix contre. Parmi ces voix contre ce texte, les 35 députés des territoires cédés à l’Allemagne dans le cadre du traité protestent dans l’hémicycle.







Jules Grosjean, Adjoint au maire de Strasbourg, a la triste charge de lire la protestation officielle ratifiée par les 35 députés :









« Messieurs, je suis chargé par tous mes collègues des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, présents à Bordeaux, de déposer sur le bureau, après en avoir donné lecture, la déclaration suivante :
« Les représentants de l'Alsace et de la Lorraine ont déposé, avant toute négociation de paix sur le bureau de l'Assemblée nationale, une déclaration affirmant de la manière la plus formelle, au nom de ces provinces, leur volonté et leur droit de rester françaises. Livrés, au mépris de toute justice et par un odieux abus de la force, à la domination de l'étranger, nous avons un dernier devoir à remplir. Nous déclarons encore une fois nul et non avenu un pacte qui dispose de nous sans notre consentement. La revendication de nos droits reste à jamais ouverte à tous et à chacun dans la forme et dans la mesure que notre conscience nous dictera.
Au moment de quitter cette enceinte où notre dignité ne nous permet plus de siéger, et malgré l'amertume de notre douleur, la pensée suprême que nous trouvons au fond de nos cœurs est une pensée de reconnaissance pour ceux qui pendant six mois n'ont pas cessé de nous défendre, et d'inaltérable attachement à la patrie dont nous sommes violemment arrachés. Nous vous suivrons de nos vœux et nous attendrons, avec une confiance entière dans l'avenir, que la France régénérée reprenne le cours de sa grande destinée. Vos frères d'Alsace et de Lorraine, séparés en ce moment de la famille commune, conserveront à la France absente de leurs foyers une affection filiale, jusqu'au jour où elle viendra y reprendre sa place. »



L’annexion de L’Alsace et la Lorraine se fera selon un tracé de frontières âprement négocié par les émissaires des deux pays, toute une histoire qui fera l’objet d’un prochain article.





En attendant, on peut imaginer l’impact de ce traité sur les familles de l’est de la France dont le destin a été scellé, d’un trait de plume de géographe dans les bureaux feutrés de quelques ministères. Le choix pour les frontaliers fut terriblement simple. Soit abandonner la nationalité française pour adopter la nationalité allemande; soit quitter ses terres et sa région, abandonner ses biens pour s’installer en territoire français.






Ainsi s'ouvrira le chapitre de l'histoire de ceux qu'on appelle les optants qui a divisé ces familles pendant des années.








Déclaration des députés des départements du Haut Rhin, du Bas Rhin, de la Meurthe, de la Moselle et des Vosges.