vendredi 2 octobre 2020

Décembre 1870, Raid prussien sur Nogent en Bassigny

 


 

En déplacement sur Langres afin d’obtenir des aides en munitions, Victor Martin fait la connaissance du capitaine Richard et du lieutenant Magnin, connus pour leurs brillants états de service, en particulier dans la région de Nogent en Bassigny…

Voici les faits.

Nogent en Bassigny en fin d’année 1870 




Nous sommes le 6 décembre 1870, un détachement prussien arrive aux portes de la ville pour une réquisition. A la vue de ces soldats sur la place de l’hôtel de ville de Nogent, les villageois se regroupent. La foule manifeste son hostilité quand arrive une compagnie de mobiles de Haute Savoie qui surprend les prussiens et tue 2 sentinelles. S’en suit un combat de rue qui se termine par le décrochement du détachement prussien qui s’enfuit, laissant armes et bagages au village.

 




La réaction ne se fait pas attendre


Le 7 décembre, une colonne forte d’environ 500 hommes apparaît aux portes de Nogent et installe deux batteries sur les hauteurs du bourg. Sur place, la  compagnie de Haute Savoie et la compagnie du Gard s’organisent. Afin de protéger Nogent des combats, elles décident de porter l’affrontement hors des murs de Nogent, l’une se déployant au nord-ouest du bourg, et l’autre vers le sud-est pour une manœuvre concertée d’encerclement de l’ennemi. Mais ils n’en auront pas le temps car les Prussiens, sûrs de ne pas être inquiétés, pénètrent rapidement dans Nogent et commencent à se venger sur les habitants. Ils brisent, pillent, violentent la population. Des notables, dont le maire,  sont pris en otages lorsque, soudain, les compagnies de mobiles réapparaissent en ville. Le commandant St Jean des mobiles de la Haute Savoie tuant de son chassepot le chef de la colonne prussienne ! Les combats continuent, les Prussiens capturent et fusillent des villageois quand le bataillon du Gard entre en scène. Il mitraille la colonne surprise sur son flanc droit qui sera contrainte de se retirer en direction de Biesles entraînant leurs otages avec elle.  500 soldats prussiens soutenus par une puissante artillerie mis en déroute par 150 conscrits armés de bric et de broc ! Un exploit qui galvanisera la résistance dans la région.


 

Réponse bien tardive de la garnison de Langres


Pendant tout ce temps, des appels en direction de Langres avainet été lancés. En vain. Le général Arbelot, gouverneur de Langres ne répondra que bien tardivement en envoyant une colonne de 2000 hommes qui s’arrêtera sur les hauteurs de Vesaignes et ne parviendra à Nogent que vers 15H00 pour saluer la victoire des 2 compagnies.

Naturellement, les Allemands sont furieux de ce deuxième échec. Et ils le font savoir à la population par le biais des otages. Ils se vengeront sur les Nogentais, ils brûleront Nogent ! Le 8 décembre, le Général Arbelot quitte Nogent pour Langres en laissant 1200 hommes sur place. Alors que chacun se prépare au nouvel assaut, la nouvelle tombe : Arbelot décide de retirer les soldats qui étaient restés sur place  laissant le bourg sans défenses. Seules les compagnies de Richard et de Magnin demeureront dans le village avec les mobiles nogentais , soit environ une centaine d’hommes. Naturellement, des espions vont se charger de prévenir le commandement allemand qui décide une expédition de plus de 2000 hommes pour punir Nogent.

 

Deuxième expédition prussienne


Partis de Chaumont l’armée allemande se divise en trois corps. Le premier en ligne droite sur Nogent, le deuxième pour occuper la route de Nogent à Langres sur les hauteurs du bois de Marsois et la pointe élevée de Lapeyrière, le troisième enfin sur la route de Biesles qui mène à Nogent. Encerclée  de toutes parts, Nogent n’a aucune chance.  Qu’à cela ne tienne. On s’organise  et on attend l’ennemi qui ne tarde pas à apparaître  direction Sarcey alors qu’un autre corps installe ses batteries venues par Biesles. Ce déploiement forme un véritable cercle d’enfermement dont Nogent serait le centre. Impossible d’en sortir. La troupe de Magnin s’élance contre les Prussiens en direction de Sarcey. Le combat s’engage à la hauteur de la ferme de Paicheuse. Au même moment les Prussiens bombardent Nogent laissant la voie à leurs troupes qui ravagent les quartiers de la ville haute. Dans les bois de Marsois, la population affolée fuit le bourg, repoussée à coups de fusils  par les troupes venues par la route de Langres. Alors que ces combats font rage, la colonne du centre s’approche de la ville basse.



La ville résiste et pendant plus d’une heure de temps,  l’ennemi peine à avancer. Il doit reculer devant la bravoure et l’ingéniosité des Mobiles et des Turcos. Hélas, l’arrivée du corps du centre sur Nogent le Bas va modifier les lignes de front. Georgin, garde national, sera le premier à s’en apercevoir. Dans un élan désespéré, il abat le commandant de la colonne et un soldat avant d’être à son tour abattu par un feu de peloton. Encerclées de toute part, nos deux compagnies doivent battre retraite vers la seule issue qu’elles pensent possible : Nogent le Bas ! Mais les Prussiens les y attendaient. L’étau se referme et un combat forcené commence qui ne respectera aucunes des règles militaires en vigueur. On massacre civils et militaires, on achève les blessés. Bref, tout ce qui s’offre à leur vue est passé par les armes. On pille, on détruit, on brûle. Les Prussiens répandent dans les maisons du pétrole en abondance de sorte que la ville basse est complètement en feu. Tous les habitants qui essaient de s’échapper des flammes par les portes ou par les fenêtres sont accueillis par des grêles de balles. Dans ce corps à corps sanglant, comment imaginer que certains francs-tireurs vont s’en sortir ? Pourtant . . .

 

Vers la fin de l’assaut

Vers 4H00 de l’après-midi, alors que nos soldats tentent de se réfugier dans la ville haute qui a moins souffert de l’assaut que du pilonnage continu des pièces prussiennes, des troupes de gardes mobiles  du Gard qui apparaissent dans la direction de Montigny, pressent l’armée prussienne à quitter les lieux. Lourd bilan de cette sinistre journée ; l’ennemi avait tué, pillé, volé, saccagé et s’en allait chargée d’un butin important. Heureusement que le régiment de gardes mobiles du Gard ont réagi car les appels à l’aide incessants en direction de Langres sont restés sans réponse. Le gouverneur de Langres  est coutumier du fait et les compagnies de la région le savent. Et rien n’indique que le général Arbelot ait dû rendre compte de son comportement après le conflit comme ce fut le cas de Bazaine.




 







Sur le chemin de la Délivrance



Les gardes rescapés de Nogent continuèrent leurs actions dans la région de Donnemarie où les habitants assuraient leurs retraites au péril de leurs vies. Le  maire Ravier sommé par les Prussiens de dénoncer ces francs-tireurs prit le parti de les aiguiller sur une fausse piste. Ces recherches infructueuses incitèrent les troupes ennemies à la retraite au grand soulagement de la population. Quant à notre  petite troupe reconstituée, elle décida de rejoindre les rangs du camp de la Délivrance où elle fut accueillie par  leur chef Victor MARTIN et ses officiers Adamistre, Bernard,  Coumès et Maillières pour poursuivre leurs actions contre l’invasion prussienne.

 




Les derniers mots au poète Bernard Dimey, enfant du pays de Nogent

« . . . Au monument des Morts qu’on appelait Mobiles

Assassinés pour rien sous Napoléon III,

On déchiffrait des noms mais c’était difficile

Et,  debout, sur le mur, on dominait les bois. . .  »


B Dimey