mercredi 5 août 2020

1870, une drôle de guerre tombée dans l’oubli



Un conflit entre l’empire français et la Confédération des états allemands
Dès le début du conflit, les batailles s’engagent très vite à la frontière. Sarrebruck le 2 août victoire française, Wissembourg le 4 août victoire prussienne, Spicheren le 6 août victoire prussienne, Woerth le 8 août, victoire prussienne. On note le siège de Toul le 16 août et le siège de Metz le 20 août. Le décors est planté dans cette région du Grand Est où les armées sont très proches les unes des autres. Elles se cherchent, s’esquivent ou se rencontrent au hasard des hésitations d’un commandement qui, faute de réseaux de communications efficaces, n’a pas de stratégie précise et calculée. C’est ainsi que Bazaine ne répond ni à St Privat, ni à Mars la Tour alors qu’une intervention aurait pu changer le cours des évènements. Les armées françaises ont tendance à utiliser le repli à l’intérieur des terres. En réponse, les troupes prussiennes établissent systématiquement des sièges aux endroits stratégiques, sièges dont l’armée française ne se sort jamais parce que l’artillerie prussienne est beaucoup plus efficace que le canon français.




Strasbourg, 16 août 1870 / 28 septembre 1870


Après la bataille de Frœschwiller-Wœrth, le général Von Werder  se dirige avec son armée vers la forteresse de Strasbourg.  Cette forteresse, considérée comme la place forte la mieux défendue de France, est protégée par la garnison du 87° de Ligne de l’armée du Rhin Armée  sous le commandement du Général  Ulrich


Général Ulrich



Général Von Werder



















Metz :     20 aout / 28 octobre


Dans un premier temps, Bazaine, Commandant de l’armée du Rhin se replie  sur Chalon sur Marne pour y rejoindre des réserves et faire face aux troupes allemandes qui progressent sur le territoire. Puis il se replie vers Metz avec la seule armée véritablement constituée forte de 180 000 hommes ignorant complètement, faute de coordination et de tactique, l’évolution des champs de bataille autour de lui.  Il est talonné  par la 2° armée  allemande du Prince Frédéric Charles qui cherche l’affrontement.

Maréchal Bazaine






Prince Frédéric Charles




Sedan : 1 & 2 septembre 1870
L’armée du camp de Châlons forte de 4 corps d’armée est sous le commandement de Mac Mahon. Dans le but de secourir Bazaine à Metz, il reçoit l’ordre de venir de porter secours à la ville assiégée. Talonné par l’armée allemande, il dirige ses troupes vers les Ardennes. Harcelée par les avant-gardes de la III° armée prussienne, Mac Mahon  décide de se réfugier sur Sedan où le combat sera engagé le 1° septembre. Bataille qui tourne au désastre et aboutit à l’abdication de Napoléon III en personne.


Maréchal Mac-Mahon






Maréchal Von Molkte

















Abdication ne veut pas dire fin de la guerre !
Bismarck se rend très vite compte que l’abdication de Napoléon III ne résout rien. Certes le butin est impressionnant : 4 corps d’armée prisonniers avec l’armement et les munitions. 



Mais en France, chacun réagit selon ses convictions. Gouvernement Provisoire à Paris. Armée de Bazaine aux ordres de l’impératrice qui demeure à Paris, Armée d’Ulrich à Strasbourg qui se met aux ordres du gouvernement provisoire.
Alors que beaucoup de sièges se poursuivent, la guerre continue donc avec des armées qui se reconstituent avec des parties de régiments qui ont échappé à l’ennemi, avec des déserteurs et de nouveaux mobilisés par les départements et l’état naissant. Globalement, l’état d’esprit du peuple français est à la poursuite de la guerre. Les hommes politiques espèrent un sursaut patriotique à l’image de ce qui s’était produit sous la révolution française.

 
Détail monument de Poitiers de 1870


A qui s’adressera désormais l’état allemand ?
A l’empire représenté par le fils de Napoléon III ou l’impératrice ? A Jules Favre, ministre des affaires étrangères, Léon Gambetta, ministre de la guerre ? 
Dans l’immédiat, l’armée de Mac Mahon est défaite à Sedan, l’armée de Bazaine est retenue à Metz et celle d’Ulrich à Strasbourg. Les troupes allemandes ont le champ libre pour pénétrer sur le territoire français direction Paris. Elles ne rencontrent que quelques résistances des troupes françaises qui commencent à s’organiser sous l’impulsion des départements qui résistent et du gouvernement provisoire qui réorganise ses  armées et prend ses marques.


Les armées du gouvernement provisoire
L’armée de la Loire.
L’armée de la Loire est formée en octobre 1870 par Léon Gambetta, ministre de l'Intérieur et de la Guerre du gouvernement de la Défense nationale, réfugié à Tours, pour poursuivre, après la défaite de Sedan du 2 septembre 1870, la guerre contre les Allemands.
Elle sera commandée successivement par les généraux d'Aurelle,  de Paladines et  Chanzy.

Général De Paladines





Général Chanzy
















L’armée du Nord.
Elle a pour mission la défense du Nord de la France, qui comprend les départements de la Somme, de l'Aisne, du Pas-de-Calais et du Nord. Son commandement  est confié au général Faidherbe.


Général Faidherbe





























L’armée de l’Est.

Elle a pour objectif de couper les arrières et les lignes de communication des Prussiens, et au passage, de délivrer Belfort, où le Colonel Denfert-Rochereau s'est enfermé avec ses troupes dans la citadelle

Général Bourbaki





Colonel Denfert-Rochereau


















L’armée des Vosges.
L'Armée des Vosges est constituée en octobre 1870 et placée sous les ordres de Giuseppe Garibaldi afin d'assurer la défense de la route de Lyon des armées prussiennes lors de la guerre franco-allemande de 1870.
Tout ce dispositif français est mis en œuvre pour barrer la route de Paris aux différentes armées allemandes qui progressent rapidement et bénéficient des victoires sur Metz et Strasbourg pour augmenter leurs effectifs

Garibaldi






Le siège de Paris.
Alors que la résistance s’organise, les troupes allemandes parviennent aux portes de et commencent le siège de la ville le 19 septembre. Malgré les efforts des armées françaises reconstituées, le gouvernement provisoire ne parviendra pas à assurer la levée de ce siège qui se terminera le 28 janvier 1871 avec des conditions imposées par Bismarck qui marqueront le peuple français. Abandon de territoires, dommages de guerre jamais égalés importants  occupations provisoires  sont autant de vexations qui auront les conséquences que l’on sait.

Siège de Paris

Les négociations aboutissent le 26 février aux préliminaires signés à Versailles.
A la suite de ces négociations, l’armée du Nord et l’armée des Vosges sont dissoutes le 7 mars 1871, l’armée de la Loire est dissoute le 14 mars 1871. Le sort de l’arme de l’Est sera différent. Sa situation n’est pas réglée par les négociations de Versailles. Les combats continuent donc et les troupes sont acculées vers la frontière suisse où un accord sera trouvé pour une convention qui permettra aux quelques 90 000 hommes de passer la frontière. Cet épisode a été immortalisé par le panorama Bourbaki, fresque de plus de 100 m de long, exposée à Lucerne.

Extraits du panorama Bourbaki

Les armes déposées à la frontière suisse

PanoramaBourbaki



Panorama Bourbaki

















Bilan du conflit
Sept mois de guerre ou plutôt sept mois d’une succession de batailles au gré des déplacements des troupes avec une supériorité indiscutable de l’organisation allemande qui utilise efficacement le télégraphe au niveau de la communication alors que les Français en sont encore aux pigeons voyageurs … Cette maîtrise de l’information leur a permis d’anticiper toutes les manœuvres françaises et de collaborer efficacement au niveau du commandement.
L’introduction d’armes nouvelles, fusils Chassepot pour la France / canons Krupp pour l’Allemagne, a trouvé son champ d’expérimentation en dimension réelle lors de ce conflit.
139000 morts côté français, 51000 morts côté allemand. Sans égaler celles du conflit qui va suivre, les pertes sont conséquentes.
Le coût de la guerre exigé par l'Allemagne est exorbitant: 5 milliards de francs indexés sur l'or comme garantie. Jamais une telle somme n'a été demandée en dommage de guerre. Cependant, la bonne santé financière de la France et la gestion habile de Thiers permettront au pays de payer avec plus d'une année d'avance, et d'obtenir une libération anticipée des territoires français occupés.



Sur les cantons de Neufchâteau et de Coussey, le Cercle Généalogique du Pays de Jeanne a comptabilisé une soixantaine de soldats morts pour la France. Le relevé des noms et l’étude des archives civiles et militaires ont permis de rassembler des documents et de faire une synthèse d’ensemble qui feront l’objet d’une exposition au printemps 2021.

Panorama Bourbaki





samedi 1 août 2020

La destinée d’un marin néocastrien au XIX° siècle …


Qui se doutait, alors que le chancelier Bismarck provoque l'empereur Napoléon III avec cette  célèbre dépêche d'Ems le 13 juillet 1870,  que le seul combat naval entre les deux pays se déroulerait à des milliers de kilomètres de là, près de Cuba… et dans des conditions totalement chevaleresques ?
C’est pourtant ce qui s’est produit. La seule bataille navale de la guerre de 1870 a eu lieu bien loin de l’Europe en mer des Caraïbes.

Le début du conflit :
On le sait, la marine française est bien supérieure à la marine allemande en ce début de conflit. Mieux même, elle a une supériorité indiscutable sur toutes les marines européennes. C’est dans ces conditions que beaucoup de navires allemands ont fui pour échapper  au blocus  français établi autour des ports  allemands dès le début d’ août 1870.  Et nombreux sont ceux qui y sont parvenu.
Certains ont continué à  voguer sur les mers… Parmi ces navires, le Météor, canonnière allemande, qui est présent dans les Caraïbes et qui fait relâche à la Havane quand,  tout à coup,  le Bouvet, frégate française,  fait son apparition au large des  côtes cubaines en fin de journée du 7 décembre 1870.


Le défit
Arrivé au port, le Capitaine du Bouvet est informé de la présence d’un navire allemand, le Météor. Sans tarder, le capitaine de frégate Franquet fait porter une missive à son homologue allemand, le Capitaine Von Knorr qui relève le défi !
Mais nous sommes en eaux territoriales espagnoles. Il n’est donc pas question de se battre à proximité de l’île. Qu’à cela ne tienne : les navires se rendront en haute mer pour ce duel pour le moins chevaleresque ! Ce sera pour le 8 décembre





Mais on n’oublie pas les bonnes manières
Madrid est neutre dans le conflit. Les autorités cubaines sont toutefois  averties du projet de combat naval par le Capitaine Franquet Français, ainsi que le veut la coutume. Bien que ne pouvant tolérer  un duel entre les deux belligérants dans leurs eaux, les autorités locales  dépêchent deux navires (le Hernan Cortès et le Centinela) pour assurer le bon respect des règles du duel… et que le combat ne se déporte pas dans les eaux espagnoles.
Les deux navires se retrouvent à 14h, à la limite des eaux espagnoles. Le Meteor est escorté depuis le port par les deux navires ibériques, qui se tiennent alors à une distance respectable.




La bataille navale
14h30,  le combat commence par une salve tirée du Bouvet sur son adversaire. Le navire allemand est  alors situé à un peu plus de 4 kilomètres. La distance et la relative faiblesse des munitions fait que ni le Bouvet ni le Meteor ne s'infligent des dégâts.
Deux heures durant,  les deux navires progressent parallèlement. Ils échangeant des tirs, mais aucun ne parvient à endommager sérieusement son adversaire. Agacé par l'incapacité de ses pièces à toucher l'Allemand, le capitaine de frégate Franquet s’impatiente. Il  ordonne à son équipage de virer de bord et de foncer sur le navire battant pavillon de la Confédération d'Allemagne du nord.





L’éperonnage
Il s’agit là d’une très vieille tactique, celle de  l'éperonnage qui  est toujours utilisée et peut neutraliser d'un coup un adversaire ! Sans compter que le navire s'approchant ne présente qu'une petite partie de sa structure aux canons adverses
Franquet pousse ses machines à pleine vitesse (aux alentours de 11 noeuds, ce qui est relativement rapide pour l'époque). Il dirige son bateau  tout droit sur le Meteor. Pris de court, Von Knorr, lui, n'a pas de quoi l'éviter ! Le Bouvet percute le  Météor dans un fracas impressionnant. Mais le résultat n'est pas à la hauteur de l’intensité du choc : l'angle d'approche était trop fermé et le navire français ne fait que frotter violemment son adversaire. Ce qui n’empêche que les deux équipages sont totalement remués. Le mât principal du Météor casse sous le choc, précipitant les cordages et une partie du mât par-dessus bord. Comble de malchance pour Von Knorr, certaines cordes vont même jusqu'à s'emmêler dans l'hélice, l'empêchant d'avancer !






Un abordage raté
Remarquable manœuvre du navire français qui surprend son adversaire ! Mais la partie est-elle  jouée pour autant ? Eh bien non ! Car  le Bouvet a raté son abordage : les marins français n'ont pas su se jeter sur le pont du Météor alors  que les marins allemands font usage de leurs armes à feu pour tenter de décimer leurs adversaires. Très réactif, le capitaine Franquet riposte au quart de tour. Il  ordonne d'inverser la vapeur dans l’intention de couper en deux le navire allemand... C’est au cours de cette manœuvre qu’un tir désespéré et chanceux de l'Allemand pulvérise le surchauffeur du Bouvet !
La manœuvre française est stoppée net car de la vapeur s'échappe directement dans l'air depuis la machine crevée du Bouvier qui se retrouve immobilisé. Après quelques instants d’hésitation,  Franquet décide de faire hisser les voiles et de s'échapper alors que les Allemands tentent toujours de libérer l'hélice de leur navire.



Les Espagnols sifflent la fin de la partie
Surmontant ses avaries,  le Bouvet tente de fuir en se dirigeant vers les eaux territoriales espagnoles, poursuivi par  le Meteor qui se remet en route.  Le Hernan Cortès siffle la fin de la partie à l'aide d'un tir de semonce. Le duel  a assez duré, d’autant que les deux navires ont l'air de vouloir continuer le combat dans les eaux espagnoles !
Ainsi se termine ce duel étonnant témoin d’une époque désormais révolue.
Aucun combattant n'est parvenu à couler son adversaire ou à le soumettre. Ce duel se déroulant à des milliers de kilomètres de la métropole laisse un goût d'inachevé aux deux capitaines. Les pertes des deux côtés sont mal connues, mais il semblerait que les Allemands déplorent deux tués et un blessé pour dix blessés chez les Français.

Récupérations et propagandes …
Au final, le Bouvet et le Météor rejoignent les côtes cubaines,  escortés et surveillés par deux navires espagnols.
Chacun compte ses pertes, on évalue les dégâts de chaque navire.
De retour à la Havane, on s’affaire à réparer les avaries des deux bateaux tandis que les blessés sont pris en charge par les infirmeries militaires. Suite à ce combat, les belligérants se sont-ils rencontrés dans la neutralité de la ville ? L’histoire ne le dit pas.
Ce qui est certain, c’est que les opinions publiques de deux pays se sont saisies  de ce duel pour se proclamer chacune vainqueur de ce combat singulier qui n’a été en fait qu’un match nul sous l’arbitrage des autorités cubaines.

Une bataille originale
Inattendue cette bataille dans la guerre de 1870 courte et terrestre entre deux pays frontaliers. Le défi entre  la canonnière Meteor et le Bouvier fut le seul véritable combat naval de cette guerre.
Mais ce que l’histoire de la marine a surtout retenu,  c’est le comportement chevaleresque de ces deux capitaines de navires dotés d’un armement techniquement moderne pour l’époque. On aborde en poussant les moteurs à vapeur et on fuit en déployant les voiles…
Ancien monde et code de l’honneur militaire  face au monde nouveau et ses machines de guerre.

Un marin néocastrien resté à la Havane.
Le quinze août 1845 naissait Joseph Victor Etienne, fils de Marie Joséphine Etienne. Nous savons que la maman était brodeuse à Neufchâteau et qu’elle vivait au domicile de ses parents Joseph Etienne et Elisabeth Thérèse Mollet. Engagé pour la guerre de 1870,  Joseph Victor se retrouvera à la Havane au moment du duel Bouvier/Météor.


 Il ne repartira pas avec ses compatriotes mais fera le choix de rester à la Havane. Il y exercera le métier de tailleur d’habits, dans le domaine de la couture comme sa maman. Le 9 avril 1873, ses amis Pierre Bouvet et Jean Asquier sont venus au Consulat de France déclarer le décès de Joseph Victor survenu à la maison de santé San  Rafaël  du docteur Belot. Pour mémoire, ce docteur  était un médecin français, fixé depuis 18 ans à la Havane où il a établi une maison de santé. Il y recevra principalement tous  les marins français, officiers et matelots,  qui ont besoin de soins. Le Consulat de France à la Havane a transmis l’acte  de décès  de Joseph Victor Etienne  dont la transcription  a été reportée sur le registre de l’état civil de Neufchâteau.   mentionne sa profession de tailleur d’habits.
Etrange destin de ce soldat né en terres néocastriennes et décédé aux Caraïbes au XIX° siècle !




En prolongement ...
Achille du Courthial, Consul général de la Havane qui a signé cette transcription a fait un appel à souscription pour 1870  sur BA-TA-CLAN, journal satirique illustré!