Qui se doutait, alors que le chancelier Bismarck provoque
l'empereur Napoléon III avec cette célèbre dépêche d'Ems le 13 juillet 1870, que le seul combat naval entre les deux pays
se déroulerait à des milliers de kilomètres de là, près de Cuba… et dans des
conditions totalement chevaleresques ?
C’est pourtant ce qui s’est produit. La seule
bataille navale de la guerre de 1870 a eu lieu bien loin de l’Europe en mer des
Caraïbes.
Le début du
conflit :
On le sait, la marine française est bien supérieure
à la marine allemande en ce début de conflit. Mieux même, elle a une
supériorité indiscutable sur toutes les marines européennes. C’est dans ces
conditions que beaucoup de navires allemands ont fui pour échapper au blocus
français établi autour des ports
allemands dès le début d’ août 1870.
Et nombreux sont ceux qui y sont parvenu.
Certains ont continué à voguer sur les mers… Parmi ces navires, le
Météor, canonnière allemande, qui est présent dans les Caraïbes et qui fait
relâche à la Havane quand, tout à coup, le Bouvet, frégate française, fait son apparition au large des côtes cubaines en fin de journée du 7
décembre 1870.
Le défit
Arrivé au port, le Capitaine du Bouvet est informé
de la présence d’un navire allemand, le Météor. Sans tarder, le capitaine de
frégate Franquet fait porter une missive à son homologue allemand, le Capitaine
Von Knorr qui relève le défi !
Mais nous sommes en eaux territoriales espagnoles.
Il n’est donc pas question de se battre à proximité de l’île. Qu’à cela ne
tienne : les navires se rendront en haute mer pour ce duel pour le moins
chevaleresque ! Ce sera pour le 8 décembre
Madrid est neutre dans le conflit. Les autorités
cubaines sont toutefois averties du
projet de combat naval par le Capitaine Franquet Français, ainsi que le veut la
coutume. Bien que ne pouvant tolérer un
duel entre les deux belligérants dans leurs eaux, les autorités locales dépêchent deux navires (le Hernan Cortès et le
Centinela) pour assurer le bon respect des règles du duel… et que le combat ne
se déporte pas dans les eaux espagnoles.
Les deux navires se retrouvent à 14h, à la limite
des eaux espagnoles. Le Meteor est escorté depuis le port par les deux navires
ibériques, qui se tiennent alors à une distance respectable.
La bataille navale
14h30, le
combat commence par une salve tirée du Bouvet sur son adversaire. Le navire
allemand est alors situé à un peu plus
de 4 kilomètres. La distance et la relative faiblesse des munitions fait que ni
le Bouvet ni le Meteor ne s'infligent des dégâts.
Deux heures durant,
les deux navires progressent parallèlement. Ils échangeant des tirs,
mais aucun ne parvient à endommager sérieusement son adversaire. Agacé par
l'incapacité de ses pièces à toucher l'Allemand, le capitaine de frégate
Franquet s’impatiente. Il ordonne à son
équipage de virer de bord et de foncer sur le navire battant pavillon de la
Confédération d'Allemagne du nord.
L’éperonnage
Il s’agit là d’une très vieille tactique, celle de l'éperonnage qui est toujours utilisée et peut neutraliser d'un
coup un adversaire ! Sans compter que le navire s'approchant ne présente
qu'une petite partie de sa structure aux canons adverses
Franquet pousse ses machines à
pleine vitesse (aux alentours de 11 noeuds, ce qui est relativement rapide pour
l'époque). Il dirige son bateau tout
droit sur le Meteor. Pris de court, Von Knorr, lui, n'a pas de quoi
l'éviter ! Le Bouvet percute le Météor
dans un fracas impressionnant. Mais le résultat n'est pas à la hauteur de
l’intensité du choc : l'angle d'approche était trop fermé et le navire
français ne fait que frotter violemment son adversaire. Ce qui n’empêche que les
deux équipages sont totalement remués. Le mât principal du Météor casse sous le
choc, précipitant les cordages et une partie du mât par-dessus bord. Comble de
malchance pour Von Knorr, certaines cordes vont même jusqu'à s'emmêler dans
l'hélice, l'empêchant d'avancer !
Un abordage
raté
Remarquable manœuvre du navire français qui
surprend son adversaire ! Mais la partie est-elle jouée pour autant ? Eh bien non !
Car le Bouvet a raté son abordage :
les marins français n'ont pas su se jeter sur le pont du Météor alors que les marins allemands font usage de leurs
armes à feu pour tenter de décimer leurs adversaires. Très réactif, le
capitaine Franquet riposte au quart de tour. Il ordonne d'inverser la vapeur dans l’intention
de couper en deux le navire allemand... C’est au cours de cette manœuvre qu’un
tir désespéré et chanceux de l'Allemand pulvérise le surchauffeur du Bouvet !
La manœuvre française est stoppée net car de la
vapeur s'échappe directement dans l'air depuis la machine crevée du Bouvier qui
se retrouve immobilisé. Après quelques instants d’hésitation, Franquet décide de faire hisser les voiles et
de s'échapper alors que les Allemands tentent toujours de libérer l'hélice de
leur navire.
Les Espagnols sifflent la fin de la partie
Surmontant ses avaries, le Bouvet tente de fuir en se dirigeant vers
les eaux territoriales espagnoles, poursuivi par le Meteor qui se remet en route. Le Hernan Cortès siffle la fin de la partie à
l'aide d'un tir de semonce. Le duel a
assez duré, d’autant que les deux navires ont l'air de vouloir continuer le combat
dans les eaux espagnoles !
Ainsi se termine ce duel étonnant témoin d’une
époque désormais révolue.
Aucun combattant n'est parvenu à couler son
adversaire ou à le soumettre. Ce duel se déroulant à des milliers de kilomètres
de la métropole laisse un goût d'inachevé aux deux capitaines. Les pertes des
deux côtés sont mal connues, mais il semblerait que les Allemands déplorent
deux tués et un blessé pour dix blessés chez les Français.
Récupérations
et propagandes …
Au final, le Bouvet et le Météor rejoignent les
côtes cubaines, escortés et surveillés par
deux navires espagnols.
Chacun compte ses pertes, on évalue les dégâts de
chaque navire.
De retour à la Havane, on s’affaire à réparer les
avaries des deux bateaux tandis que les blessés sont pris en charge par les
infirmeries militaires. Suite à ce combat, les belligérants se sont-ils
rencontrés dans la neutralité de la ville ? L’histoire ne le dit pas.
Ce qui est certain, c’est que les opinions
publiques de deux pays se sont saisies
de ce duel pour se proclamer chacune vainqueur de ce combat singulier
qui n’a été en fait qu’un match nul sous l’arbitrage des autorités cubaines.
Une bataille
originale
Inattendue cette bataille dans la guerre de 1870
courte et terrestre entre deux pays frontaliers. Le défi entre la canonnière Meteor et le Bouvier fut le seul
véritable combat naval de cette guerre.
Mais ce que l’histoire de la marine a surtout
retenu, c’est le comportement
chevaleresque de ces deux capitaines de navires dotés d’un armement
techniquement moderne pour l’époque. On aborde en poussant les moteurs à vapeur
et on fuit en déployant les voiles…
Ancien monde et code de l’honneur militaire face au monde nouveau et ses machines de
guerre.
Un marin néocastrien
resté à la Havane.
Le quinze août 1845 naissait Joseph Victor Etienne,
fils de Marie Joséphine Etienne. Nous savons que la maman était brodeuse à
Neufchâteau et qu’elle vivait au domicile de ses parents Joseph Etienne et
Elisabeth Thérèse Mollet. Engagé pour la guerre de 1870, Joseph Victor se retrouvera à la Havane au
moment du duel Bouvier/Météor.
Il ne repartira pas avec ses compatriotes mais fera le choix de rester à la Havane. Il y exercera le métier de tailleur d’habits, dans le domaine de la couture comme sa maman. Le 9 avril 1873, ses amis Pierre Bouvet et Jean Asquier sont venus au Consulat de France déclarer le décès de Joseph Victor survenu à la maison de santé San Rafaël du docteur Belot. Pour mémoire, ce docteur était un médecin français, fixé depuis 18 ans à la Havane où il a établi une maison de santé. Il y recevra principalement tous les marins français, officiers et matelots, qui ont besoin de soins. Le Consulat de France à la Havane a transmis l’acte de décès de Joseph Victor Etienne dont la transcription a été reportée sur le registre de l’état civil de Neufchâteau. mentionne sa profession de tailleur d’habits.
Il ne repartira pas avec ses compatriotes mais fera le choix de rester à la Havane. Il y exercera le métier de tailleur d’habits, dans le domaine de la couture comme sa maman. Le 9 avril 1873, ses amis Pierre Bouvet et Jean Asquier sont venus au Consulat de France déclarer le décès de Joseph Victor survenu à la maison de santé San Rafaël du docteur Belot. Pour mémoire, ce docteur était un médecin français, fixé depuis 18 ans à la Havane où il a établi une maison de santé. Il y recevra principalement tous les marins français, officiers et matelots, qui ont besoin de soins. Le Consulat de France à la Havane a transmis l’acte de décès de Joseph Victor Etienne dont la transcription a été reportée sur le registre de l’état civil de Neufchâteau. mentionne sa profession de tailleur d’habits.
Etrange destin de ce soldat né en terres
néocastriennes et décédé aux Caraïbes au XIX° siècle !
En prolongement ...
Achille du Courthial, Consul général de la Havane qui a signé cette transcription a fait un appel à souscription pour 1870 sur BA-TA-CLAN, journal satirique illustré!
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