jeudi 9 juillet 2020

Pandémies d’hier et d’aujourdhui



L’un est Français, l’autre est Allemand : Si la France a Louis Pasteur, l’Allemagne a Robert Koch.
Voilà deux personnages qui continueront, peut être malgré eux, le conflit de 1870 au travers de luttes certes médicales, mais sur fond de patriotisme et de nationalisme qui n’avaient rien à envier aux envolées lyriques de Barrès...







Le chimiste français est né en 1822 à Dole dans le Jura Il sera le troisième enfant de Jean-Joseph Pasteur, tanneur,  et de Jeanne-Étiennette Roqui.










Le médecin allemand est né en 1843 à Clausthal, Royaume de Hanovre. Il sera le troisième enfant d'un ingénieur dans l'industrie minière, Hermann Koch,  et de Mathilde Juliette Henriette Biewend.





Ils ont été tous deux les principaux artisans de  révolutions sanitaires dans la deuxième moitié du XIXe siècle au point d’avoir encore aujourd'hui leurs noms associés à de grandes découvertes qui ont changé l’action médicale à travers le monde en éradiquant des épidémies récurrentes dont notre actualité rappelle la triste tragédie.
Le chimiste  français est devenu mondialement célèbre pour avoir mis au point le vaccin contre la rage.
Le médecin allemand doit sa renommée à la  découverte du bacille de la tuberculose, il obtiendra le prix Nobel de médecine.
Louis Pasteur et Robert Koch sont contemporains. Ils s’inscrivent dans des parcours scientifiques qui se ressemblent bien que leurs formations soient totalement  différentes.
La guerre franco-allemande de 1870 sera est un drame pour l’émulation entre ces deux chercheurs qui se retrouveront emportés par cette vague guerrière. 

Les deux hommes  nourriront  une rancune à l´égard de l’un de l’autre, rancune  qui se traduira  par une compétition acharnée. D’un côté Pasteur à la renommée confirmée, de l’autre un jeune scientifique d´outre-Rhin en pleine ascension : Robert Koch.



Pasteur
Après-guerre, divisant le mode médical,   alors que les relations franco-allemandes entrent dans une des périodes les plus tendues de leur histoire, ils s´affrontent sur tous les terrains et sont de toutes les aides internationales contre les pandémies, comme s’ils continuaient ce conflit bien mal digéré du côté français. C´est à celui qui fera la plus grande découverte. 


Avec comme  arrière- plan, des considérations nationalistes et une lutte démesurée d'égo, la rivalité entre Pasteur et Koch durera environ vingt ans. Avec du recul, on peut considérer que,  loin de ralentir la science, cette rivalité semble l´avoir fait progresser plus rapidement.

Koch



Pour autant, sur le moment, il est difficile d’en convenir tant les deux hommes sont aveuglés par leurs oppositions. Les victimes des pandémies ne sont que des champs d’investigation grandeur nature qui justifient les hypothèses les plus rocambolesques et les propositions les plus folles.









Lors de l’épidémie de choléra en Egypte en 1883, une mission envoyée par Pasteur arrive sur place le 15 août  à Alexandrie. Dans le même temps, le gouvernement allemand envoie une équipe dirigée par Koch ; la chasse aux microbes est ouverte et les rivalités sont intenses. Elles s’arrêteront parce que le choléra disparaît subitement. 




Les équipes prises au dépourvu devront repartir sans avoir résolu le problème. Les Français retournent au pays, les Allemands se dirigent vers l’Inde, « cluster » du choléra connu dans le monde,  mais nié par les Anglais qui refusent d’envisager les échanges maritimes avec l’Inde comme vecteur possible de contamination ! Et pourtant, c’est bien dans ce pays que Koch parviendra à isoler le bacille responsable de ce fléau !


Un grand pas de fait !  Mais de là à convaincre Pasteur, de là convaincre les scientifiques, les chercheurs, les financiers et les politiques, il reste encore un long chemin à parcourir. . .



Pour mémoire, le 18 septembre 1883, le Français Thuillier, de la mission Pasteur,  sera une des dernières victimes du choléra en Egypte. Et ce sera Koch qui prononcera l’éloge funèbre de ce précieux collaborateur de Pasteur.




Marseille 1884. Nouvelle épidémie qui commence le 27 juin pour se terminer en octobre. Les équipes Pasteur et Koch sont de nouveau sur place. 
Koch qui a avancé dans ses recherches et dans l’analyse de la propagation du fléau est effaré de constater que sur place, on en est encore à faire des feux dans les rues pour purifier l’atmosphère. 
Il préconise la désinfection du linge et la surveillance des réseaux des eaux potables comme des eaux usées.
Cette pandémie fera près de 1800 morts en 3 mois pour la seule ville de Marseille avec une létalité hospitalière de plus de 50%.






Les victimes ont beau mourir, il n’y a ni trêve, ni collaboration pour le bien commun ;t la violence de la  rivalité entre les deux savants ne faiblit pas. Même les gouvernants s’en mêlent : Koch sera décoré par Jules Ferry pour ses travaux et son aide sur Marseille. Les journaux se déchainent et le « Grelot » fera une caricature de Pasteur évitant le chemin de Toulon où Koch sera reçu par le ministre. 







Quant à Pasteur, il refusera l’ordre du mérite de Prusse proposé par le Chancelier Menzel en 1895, ce qui alimentera la même revue d’une caricature de Pasteur se vaccinant contre l’ordre prussien. Nous voilà bien loin de l’empathie générale envers les victimes des pandémies à travers le monde ….










L´oeuvre des deux savants restera cependant durablement. Charbon, tuberculose, rage, diphtérie, choléra, peste... En quelques années, la lutte contre toutes les grandes pandémies du  XIX° siècle  fait des progrès spectaculaires. 





Les destins de Pasteur et Koch se confondent avec l’histoire des grandes découvertes médicales au point que nous avons gommé de nos livres d’histoire  la rivalité des deux hommes qui ne se comprend qu´au travers de la situation des relations franco-allemandes entre la guerre de 1870 et celle de 1914-1918 alors que des épidémies décimaient régulièrement des populations européennes faisant d’énormes pertes humaines dont la grippe espagnole n’a été que la fin d’un cycle dévastateur.



Heureusement, tout cela est terminé. Du moins c’est ce que l’on pensait jusqu’à ce qu’un certain coronavirus vienne à passer par là. Jusqu’à ce qu’un virus venu de Chine arrive en Italie et traverse les frontières.
Et tout a recommence ! Côté recherche, les décideurs, qu’ils soient professeurs,  médecins ou décideurs se sont battu à coups d’annonces et de chiffres. 
Le public assiste, impuissant à une bataille d’opinions entre les laboratoires et les professeurs dont un certain Raoult un peu à l’image des rivalités d’autrefois symbolisées par Pasteur / Koch. Côté stratégie, on a fermé les frontières, les aéroports. On a confiné les populations et mené des actions de masse vis-à-vis des citoyens tout comme d’autres l’avaient fait au XIX° siècle !


Qu'on en juge par les propos des reporters dépêchés par  « l’Illustration », gazette de l’époque. Ce journal permet à ses lecteurs de suivre pas à pas «  les mesures de confinement préventif et de décontamination de ceux qui franchissent la frontière franco-italienne près de Menton : bagages et  enregistrements sous surveillance, attente dans des baraquements du lazaret de la Latta. Femmes et hommes sont séparés. Traitement préventif pour les uns,  mise à l’écart des « pestiférés » pour les autres. On observe la primauté du contrôle policier sur celui des médecins. »




Aujourd’hui, les moyens ont changé. Mais on parle encore de confinement et de décontamination. Sans compter les  quarantaines, les prises de température et les tests. Et que dire des contrôles policiers sur le terrain qui prévalent sur celui des médecins.


… En somme rien de bien original pour « un monde d’après » qui ressemble décidément un peu trop à  un monde révolu depuis bien longtemps ! . . .