dimanche 21 mars 2021

BUHLER, Un électron libre au sein de l’armée au XIX° siècle

 


Aux origines.

Charles Frédéric est né à Stains le 26 janvier 1826. Il est le fils de Charles Frédéric, jardinier et de Anne Sirée Prévot.




Il se présente au centre de recrutement de la mairie du X° arrondissement de Paris à l’âge de 20 ans. Il signe pour 7 ans au 4° de Hussards et part prendre ses quartiers à Lunéville en avril 1848.

Il suivra son régiment dans déplacements d’une ville de garnison à une autre, marquant la présence militaire sur le territoire français au fil des décisions gouvernementales. Sedan, Givet et Rocroy en 1849, Haguenau en 1850.



 




Répressions en France

1851, année du coup d’état du Prince Président qui devient Empereur à la suite d’un référendum contesté.

Rappelons les faits. En violation de la légitimité constitutionnelle, Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République française depuis trois ans, conserve le pouvoir alors que la Constitution de la Deuxième République le lui interdisait. Pour ce faire, il dissout l'Assemblée nationale, rétablit le suffrage universel masculin, convoque les électeurs pour adopter une nouvelle constitution.

Dans une trentaine de départements, les républicains organisent la résistance et marchent vers les chefs-lieux. Le 4° de Hussards est envoyé dans le sud contre des colonnes républicaines bien mal armées.


L’historique du 4° de Hussards note : « A Béziers, le régiment fut obligé de charger dans les rues de la ville pour dissiper les bandes qui venaient assaillir la sous-préfecture. Autour d'Avignon, il fut chargé de fournir des patrouilles qui eurent plusieurs fois avec la population soulevée, des rencontres dans lesquelles le sang coula. "

 



Première campagne

1854. Les quatre premiers escadrons du 4° de Hussard sont mobilisés et se mettent en route pour Marseille le 31 à l'effectif de 33 officiers, 667 sous-officiers et cavaliers. Direction l’Orient pour une guerre franco-britannique contre les manœuvres russes à Sébastopol Constantinople. Le maréchal des logis Buhler rejoint son unité en Bulgarie le 7 juillet.


Le 4° de Hussards se distinguera sur les bords de la Tchernia,  au siège de Sébastopol puis à la bataille de Kanghil. Il recevra pour sa bravoure la "Médaille de S.M. la Reine d'Angleterre", plus connue sous le nom de Médaille de Crimée.

Il fait valoir ses droits à congés renouvelable et devient garde forestier, mais pas pour longtemps puisqu’il se réengage pour 7 ans au sein des Chasseurs à Cheval de la Garde Impériale en octobre 1856. Il reprendra très vite ses galons et deviendra adjudant vaguemestre peu de temps avant la guerre de 1870.

 



Début de la guerre de 1870.




A compter de juillet 1870, les chasseurs de la garde font partie de l’armée du Rhin et participeront à la défense de Metz suivie de sa capitulation. Buhler sera fait prisonnier au camp prussien d’Ars-Laquenexy d’où il s’évadera « sous une grêle de balles ! »








C’est avec une petite troupe de partisans de 30 hommes que le lieutenant Buhler, ancien adjudant vaguemestre des chasseurs à cheval de la garde, arrive à Lamarche pour rejoindre ce camp de francs-tireurs dont la réputation de loin les confins de l’Ouest Vosgien.

Quel soldat pittoresque que ce vieux brave qui a essuyé tant de campagnes bien loin de son pays,  évadé de Metz pour continuer à se battre avec des compagnons de fortune !

Voici quel était l'accoutrement de ce major de 44 ans accueilli par Victor Martin et son état major du camp de Boëme : « il était habillé d’un uniforme d'adjudant de chasseurs à cheval de la garde, sauf qu'il portait des chaussons et des sabots en place de bottes, qu'il avait un long pardessus d'hiver bourgeois en drap marron et un chapeau mou gris, à larges bords, comme un mousquetaire. »



Le trublion du camp des Francs-tireurs.

De tels états de service ne pouvaient que servir la cause des francs-tireurs. Mais c’était sans compter un caractère bien trempé digne de l’expérience d’un soldat malmené et endurci par les champs de bataille qu’il a traversés.  Buhler et ses hommes ont mis en péril bien des expéditions du camp faute de s’en tenir aux consignes

Un exemple : En préparation des combats de Lamarche du 12 décembre, Buhler avec 30 hommes, avait pour mission de tenir position près du bois de la Fourrée pour débusquer les Allemands qui voudraient passer. Lorsque les Prussiens pénétrèrent effectivement dans le bois au point où devait se trouver le lieutenant Buhler, avec ordre de résister jusqu'à l'arrivée des autres compagnies, ce lieutenant, supposant que l'attaque aurait lieu plus à droite, avait cru devoir modifier sa place dans le champ bataille sans en avertir son état-major. De sorte que, quand l'ennemi arriva par les bois, il fut promptement débordé par des forces considérables et dut se replier, après un échange de quelques coups de feu, abandonnant ainsi la forêt aux Prussiens qui s'y ruèrent en masse déstabilisant sérieusement le dispositif arrêté la veille par l’état-major du camp.




Un deuxième exemple : au cours d’une autre mission, Buhler entreprit avec ses hommes une marche sur Nancy sans coordination avec le camp. Bien que d’une rare audace, cette marche faillit mettre en danger l’expédition de sabotage de la ligne Strasbourg/Paris montée par Victor Martin et son comité militaire, à la demande du gouvernement provisoire. A plusieurs reprises, Buhler et ses hommes se retrouvèrent sur l’itinéraire de cette expédition, compromettant la discrétion des colonnes du camp en route pour Fontenoy. Tout d’abord à Châtenois où Buhler reçut fermement l’ordre du commandant Coumès de quitter les lieux. Puis à la ferme de Hayevaux où le commandant Bernard tança vertement Buhler de quitter les lieux de de faire s’il le souhaitait diversion en direction de Neufchâteau.

On peut considérer que durant toute cette période, l’adjudant Buhler et ses hommes ont accompagné en électrons libres les colonnes de francs-tireurs sans en accepter totalement l’autorité et en appliquant les ordres avec beaucoup de libertés.

 

Après guerre

Buhler et ses hommes rentreront au dépôt de leur régiment à Valence. Ce régiment, devenu 13° chasseurs à cheval, prendra la direction de Libourne. L’adjudant Bühler regagnera le dépôt de Valence en février 1871. Il sera nommé officier de la légion d’honneur en 1872. Il quittera définitivement son régiment en 1873. On perd sa trace et excepté quelques éléments de recherches qui nous conduisent à Brignols où on retrouve trace de son  domicile en 1872. Il semble qu’il ait coupé les ponts avec son passé puisque sa sœur, Elisa Victoire, le recherche en 1876 alors qu’il est domicilié au 16 Rue Juge, Grenelle Paris XV°.





 

C’est avec ce type de portrait, pas toujours conventionnel, mais haut en couleurs, qu’on peut imaginer l’allure militaire, la bravoure des soldats, le tempérament des individus et l’impact des actions ciblées de cette armée de francs-tireurs faite de bric et de broc, qui a mis en échec l’armée prussienne aguerrie durant plus de trois mois dans l’Ouest Vosgien.



 


 

J. Voirin, Président du Cercle Généalogique du Pays de jeanne