Le 2 décembre
1851, Louis Napoléon Bonaparte, Président de la République française depuis trois ans, décide de conserver
le pouvoir à quelques mois de la fin de son mandat alors que la Constitution de la Deuxième République le lui interdisait. Pour ce faire, il proclame la dissolution de l'Assemblée Nationale et la préparation d'une nouvelle constitution, favorable à son maintien au pouvoir.
Si, à Paris, le peuple ne réagit guère pour défendre une assemblée conservatrice qui l’a
dépouillé d'une partie de ses droits politiques, ce n’est pas du tout le cas en zones rurales pour près d'une trentaine de
départements.
La résistance
s’organise et, dans certains endroits, les républicains prennent les armes et
marchent sur les chefs-lieux. Cette résistance menée à Paris ou en province par
les républicains, et par des membres du parti de l’Ordre non ralliés est réprimée par l'armée en quelques jours.
Même si les
archives ne témoignent guère de ce mouvement, on pressent derrière les écrits publics
et privés un mouvement populaire conséquent et une agitation portée par les
ambulants et les colporteurs qui donnaient des nouvelles de village en village.
Tout ce qui reste d’officiel de cette agitation populaire, ce sont les
sentences des différents tribunaux installés par le pouvoir pour réprimer
l’expression du peuple sur le territoire.
Pour revenir à
cette année 1851, sur l'ensemble du territoire, plus de 30 000 individus
seront arrêtés. Ils se verront inculpés par des commissions établies à cet
effet. Cette résistance est présentée comme jacquerie par la propagande bonapartiste ; elle crédibilise alors rétrospectivement
le mythe d’une guerre sociale en préparation qui justifie l’action répressive.
Selon les faits
et la clémence de la commission, les sentences varieront de la relaxe à
l’exil.
Sur la seule
ville de Neufchâteau, 12 personnes
seront concernées.
Voici ce qu’en disent les procès- verbaux des commissions
mixtes départementales qui les ont jugées :
FOURNIER Joseph, 22 ans, né à
Neufchâteau, marié 1 enfant, forgeron à Bar le Duc.
Accusation: « coupable d’offenses
graves envers le chef de l’état. »
Décision: Relaxé
NEEF Auguste, 23 ans, né à
Neufchâteau, célibataire, berger à Semilly (52)
Accusation: « Il a été l’un
des organisateurs de la société secrète du canton de St Blin et a fait des
recrues pour cette société. »
Décision: Exilé en Algérie »
VOIGNIER Charles Joseph, 45 ans,
né à Neufchâteau, marié, 2 enfants, cordonnier à Paris.
Accusation: « Signalé comme
dangereux en raison de l’exaltation de ses opinions. Un poignard et des écrits
socialistes ont été trouvés chez lui. »
Décision: Exilé en Algérie
BUFFET Pierre, 40 ans, né dans
la Marne, marié, 3 enfants, négociant à Neufchâteau.
Accusation: « Homme exalté.
Caractère sombre et violent. A figuré dans toutes les manifestations. Cherchait
à exciter les passions par ses discours
exaltés. »
Décision: Eloignement
momentané.
CONTAU Charles Gaspard, 50 ans,
né à Epinal, marié, 2 enfants, marchand de fer à Neufchâteau.
Accusation: « Considéré
comme un des chefs du parti socialiste. Propagandiste. »
Décision: Surveillance
KROUBERT Antoine Joseph, 50 ans,
né à Voyer, département de la Meurthe (54 ), célibataire, ancien directeur de
l’école normale, domicilié à Neufchâteau.
Accusation: « Prêtre
réfractaire, Etait à la tête du parti socialiste dans l’arrondissement de
Neufchâteau. Exerçait une influence pernicieuse sur la classe ouvrière et sur
les instituteurs qu’il convoquait pour leur inculquer les mauvais principes. »
Décision: Expulsé.
LIEVRE Charles, 32 ans, né à Langres, marié, 1 enfant,
artiste vétérinaire à Neufchâteau.
Accusation:
« Agent socialiste actif Sans trop savoir pourquoi, il s’est jeté dans les
rangs du parti exalté en prenant part à toutes les réunions démagogiques. »
Décision: Surveillance
RAPIN Charles Auguste Félix, 39
ans, né à Pleuvezain, marié, 2 enfants,
rentier à Neufchâteau.
Accusation: « Socialiste
exalté. Cris séditieux et offenses envers le Prince Louis Napoléon. Signalement
pour comportement violent. »
Décision: un mois d’emprisonnement, 100 fr d’amende.
VIENNET Jean Baptiste, 29 ans,
né dans la Marne, célibataire, caissier de banque à Neufchâteau.
Accusation: « Propagandiste
actif logé dans un café de Neufchâteau dont la chambre serait de club où
étaient admis des affidés sur lesquels on pouvait compter pour distribuer
brochures et journaux qui se colportaient dans les campagnes. »
Décision: internement dans l’Ille et Vilaine
HUSSON-BRIELLE Charles Antoine,
34 ans, né à Bulgneville, marié, 4 enfants, négociant.
Accusation: « Rejoint les
socialistes suite à une banqueroute. Est parvenu à faire de nombreux
prosélytes. En relation avec des journaux démagogiques de la Meurthe pour
engager une polémique déloyale contre les honnêtes gens de l’arrondissement de
Neufchâteau. »
Décision: Internement dans la Mayenne
POUGNY Ambroise Augustin, 47
ans, né à Liffol le Grand, célibataire, juge au tribunal de Chaumont
Accusation: « fait partie
des 13 individus accusés de s’être retrouvés dans une salle particulière dépendant
du café où se réunissait sans autorisation un cercle de démagogues. »
Décision: Relaxé
VOIRIN Nicolas Armand, 26 ans,
né à Vouxey, célibataire, vigneron à Dolaincourt.
Accusation: « propagandiste
très actif dans le canton de Châtenois. Il faisait de fréquents voyages à
Neufchâteau et chaque fois en rapportait des journaux et des brochures dont il
était donné lecture dans les veillées de ces communes. »
Décision: internement dans le nord
Louis-Napoléon
rétablit le suffrage universel masculin,
et convoque les Français par un plébiscite les 20-21 décembre 1851 afin de faire approuver son action et les réformes
annoncées.
Le 2 décembre
1852, à la suite d'un autre plébiscite, c’est la naissance du Second Empire, Louis-Napoléon Bonaparte devenant « Napoléon III, empereur des Français ».
Heureusement, ce temps est révolu et il paraît inimaginable, aujourd’hui, que le président de notre République mette en
œuvre de telles répressions à l’encontre de l’expression de son opposition.
Quoi que…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire