jeudi 5 mai 2022

Où il est question de la vente de la maison de Jeanne d’Arc

 

Acquisition du Conseil Général en 1818

Le Conseil Général des Vosges a acquis la maison de jeanne d’Arc au début du XIX° siècle par un concours de circonstances un peu particulier. En effet, des propositions d’achat avaient été faites aux derniers propriétaires par des Prussiens puis par des Anglais. Les premiers se proposaient même de n’acheter que le fronton qui avait été déplacé et installé sur le bâtiment d’habitation principale des occupants, Rue du Moulin.




 Cette maison qui a appartenu à la famille de Jeanne d’Arc a changé plusieurs fois de propriétaires, plus ou moins connus, et dont les traces se perdent dans les archives jusqu’au premier quart du XVIII° siècle où on peut identifier la famille Gérardin comme propriétaire du lieu ou plutôt des lieux car il s’agit d’un ensemble de maison rue du Moulin qui cache la petite maison dans l’arrière-cour. Rien de bien remarquable donc dans ce petit appentis qui sert de remise et d’écurie pour la maison d’habitation des Gérardin venus de Punerot.


La famille Gérardin.

Nous retrouvons les premières traces de l’origine de cette lignée dans les registres de Punerot où Eloy, fils de Pierre et de Jeanne voit le jour le 27 juin 1647. 

naissance Eloy Gérardin


Il s’agit d’une famille de laboureurs composée de 5 enfants dont la descendance vivra essentiellement dans les villages en bordure de Meuse et ce sur plusieurs siècles. Eloy se mariera trois fois à Punerot. Tout d’abord avec Marguerite Brion le 23 janvier 1674. Le couple aura 3 enfants. Puis avec Elisabeth Didelot le 3 juin 1682. Enfin avec Michèle Gérard le 16 juin 1686. le couple aura 6 enfants.

Mariage Gérardin / Brion


  Jean, troisième enfant du premier lit, s’installe à Domrémy où il se marie le 15 juin 1700 avec une fille du village, Nicole Floquet. Albert, deuxième enfant de ce couple de laboureurs, s’installera comme vigneron au village. Il se mariera 3 fois, tout comme son grand-père paternel. Avec Anne Pillard le 7 février 1730 à Domrémy, avec Anne Travers le 21 octobre 1730 à Greux et avec Jeanne Noël le 17 janvier 1769 à Saulxures lès Vannes. Le 17 octobre 1777 Jeanne Noël donne le jour à Jean Nicolas à Domrémy dans une des maisons acquises par son père, Rue du Moulin. Il est le deuxième enfant de ce troisième lit et premier de tous les fils d’Albert. Il héritera donc de l’ensemble de maisons situées Rue du Moulin à Domrémy la Pucelle dont celle dite maison de Jeanne d’Arc. 

plan du secteur de la maison de Jeanne


Jean Nicolas, homme du XIX° siècle.

18 ans à la révolution française, 33 ans à la naissance du premier empire, 40 ans à la restauration, Jean Nicolas sera tout à la fois vigneron, garde forestier et soldat.

Après une dizaine de campagnes à son actif, cet ancien soldat du 27éme régiment de dragons sous Napoléon sera réformé pour cause de blessures. Désormais pensionné, il rentre au pays  en septembre 1807 titulaire de son congé pour services rendus.

Il unit sa destinée à Elisabeth Boudin, une fille du pays, le 25 juillet 1808 à Domrémy.  De cette union naîtront 7 enfants, quatre filles et trois garçons, entre 1809 et 1824. Voilà campé ce personnage haut en couleur qui sera l’unique héritier de ce patrimoine immobilier à Domrémy. Nul doute que, dans la famille, chacun est conscient de la valeur morale et historique de cette maisonnette discrètement nichée en fond de cour à l’abri des regards.

Nul doute aussi que la proposition d’un officier Prussien de racheter son bien pour la somme de 6000 frs l’a fait réfléchir, d’autant qu’il n’y avait aucune garantie quant à la protection de la maison de Jeanne. Bien entendu, le Prussien a essuyé un refus mais, l’idée faisant son chemin, Jean Nicolas entreprend une démarche auprès du Conseil Général des Vosges. Nous sommes en 1818, sous le règne de Louis XVIII quand Jean Nicolas Gérardin entreprend ses démarches.

 


 La vente de la maison de Jeanne d’Arc

 Assisté de M. Muel, Maître de forges à Sionne et représentant du Conseil Général, il rencontre M. Boula de Colombiers, préfet mandaté par le Conseil Général des Vosges.

A la suite de cette entrevue, le 20 juin 1818, un acte de vente est signé entre les parties. Montant de la transaction 2500€ alors qu’il avait refusé la proposition prussienne beaucoup plus avantageuse de 6000€. Inutile de dire que, pour l’époque, la différence de 3500€, c’est une somme considérable abandonnée par le propriétaire pour des raisons patriotiques qui seront immortalisées sur une médaille éditée par la ville d’Orléans.

Maison de Jeanne d'Arc à Domrémy 88


« Nicolas Gérardin, dragon au service de France, retraité pour cause de blessures reçues à la défense du territoire français", et vigneron à Domrémy, "déterminé par le désir de faire en faveur des habitants du département des Vosges une concession qui leur soit agréable, et plus encore, par l'amour de sa patrie et du roi son bien-aimé souverain »"

« … comme ladite maison se contient avec tous ses bâtiments, son jardin potager au derrière, le buste de ladite Jeanne d'Arc placé à l'extrémité, au-dessus de la couverte de l'entrée principale, ses terrains et accincts tant intérieurs qu'extérieurs... la totalité située près l'église dudit Domrémy, en la rue du Moulin »

«  …Cette cession ainsi faite et consentie par ledit Gérardin, à la condition que quelle que soit à l'avenir la disposition du local, son objet principal, et quels que soient les changements qu'il doive éprouver, il en sera le gardien, tant qu'il vivra, au surplus, tant que par sa conduite, il méritera d'être chargé de ce gardiennat, garde qu'il demande au reste comme faveur spéciale, et pour le maintenir, lui et sa famille dans le souvenir d'une habitation à laquelle il tenait à raison des vertus et de l'héroïsme de Jeanne d'Arc..., moyennant la somme de deux mille cinq cents francs en principal »

Médaillon de la stèle














En guise d’épilogue

L’aîné des 7 enfants de Jean Nicolas, vivra également à Domrémy où il se mariera le 29 janvier 1845 avec Marguerite Octavie Arnould. De cette union naitra Nicolas Ernest le 7 septembre 1851. Et c’est lui qui terminera notre propos. Installé dans la Marne, à Sézanne, où il travaille comme conducteur des Ponts et Chaussées, il se retrouve dans le besoin suite à de gros problèmes de santé. Du moins est-ce ce qu’il dit d’abord au Conseil Général des Vosges à qui il demande une aide sous forme de subvention en reconnaissance de l’acte généreux que son aïeul a fait au département. Depuis 1906, le département lui octroie chaque année la somme de 200frs. Cette aide prenant fin en 1911, il renouvelle sa demande, dans un rapport dont les conclusions ont été acceptées.

Dans le même temps il adresse un courrier au maire d’Orléans :



« Monsieur le Maire,



Lettre à Orléans 1
Petit-fils de Nicolas de Gérardin descendant de la famille de Jeanne d'Arc, décoré en 1821 pour avoir refusé de vendre à un anglais qui lui offrait une très forte somme d'argent pour l'acquisition de la maison où naquit Jeanne d'Arc, maison qu'il tenait de ses ancêtres, je me trouve dans la dure nécessité de prendre une retraite bien avant l'âge, à cause du mauvais état de santé de ma vue, la pension à laquelle j'ai droit est plus que modeste et je me vois à la veille de solliciter un secours pour subvenir à mes besoins et à ceux de ma fille Jeanne âgée seulement de 12 ans 1/2.






lettre Orléans 2
En présence de la pénible situation qui m'est faite, j'ai pensé Monsieur le Maire, que la Ville d'Orléans qui a conservé un si noble souvenir de l'héroïque Lorraine, qui a frappé en l'honneur de mon grand-père une médaille en or que nous gardons précieusement, et pris une délibération qui est pour ma famille des lettres de noblesse, n'abandonneront pas le petit-fils de celui qui a préféré la pauvreté à la richesse pour conserver à la France, l'humble toit qui a vu naître la Pucelle d'Orléans.




Lettre Orléans 3
L'action de mon grand-père a été immortalisée par un grand peintre dont le tableau se trouve au Musée d'Orléans. Ma soeur aînée vient d'être nommée au poste de gardien de la maison de Jeanne d'Arc à Domrémy et ma soeur cadette vient d'être nommé (sic) receveur du bureau de tabac de cette commune. Moi seul n'avait rien à demander ayant une assez belle situation acquise à force de travail et de privations, mes parents n'ayant aucune fortune.


Lettre Orléans 4

Daignez agréer Monsieur le Maire l'expression de notre profonde reconnaissance et l'assurance de notre dévouement absolu.   E. Gérardin  26 février 1904 »

Nulle trace de la proposition anglaise dont il est question dans ce courrier. Pas plus de la réponse du conseil municipal d’Orléans.






Par contre, le recensement de 1911 sur Domrémy confirme effectivement la présence des 2 sœurs Mathilde Aimé, épouse Norguin domiciliée Rue du Moulin, gardienne de la maison avec son fils Georges et celle de Marie Appoline Aimée Gérardin domiciliée Rue de l’Isle gérante du bureau de tabac.

 

Recensement Norguin / Gérardin à Domrémy

Recensement Gérardin à Domrémy



J. Voirin, Président du Cercle Généalogique du Pays de Jeanne


à propos de Jeanne d'Arc

M. Claude Poinsot propose une exposition sur Jeanne d'Arc unique en son genre. "Passion Jeanne d'Arc" s'exposent au musée Counot de Liffol le Grand ouvert les samedis et dimanches, avec une possibilité de visite guidée à la demande.

Il s'agit de pièces rares; écrits, images et statues de Jeanne qui retracent chronologiquement son épopée.


Tout à la fois, histoire de Jeanne, histoire de l'utilisation de l'icône dans la vie politique et histoire de l'imagerie populaire de cette héroïne, cette exposition ne manque pas d'interroger sur l'actualité d'une figure qui n'en finit pas d'inspirer le monde politique.

A voir absolument!




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