mercredi 17 mai 2023

 

Vente de biens nationaux à Pompierre

Les premiers pas d’une nouvelle structure administrative

Par la loi du 22 décembre 1789, la Constituante crée les départements au nombre de 83. Dans ce tout nouveau découpage, Pompierre appartient au canton de Beaufremont, district de Neufchâteau, département des Vosges.

Fidèle à son engagement, l’Assemblée Constituante déclare biens nationaux toutes les propriétés seigneuriales et les possessions ecclésiastiques sur le territoire français. C’est donc tout naturellement que la vente des biens du seigneur, ceux de l’église, et ceux de certains établissements religieux de Neufchâteau seront évalués puis mis en vente, le plus souvent par un notaire ou un commissaire expert requis pour ce faire. Les administrateurs du Directoire de Neufchâteau ont validé cette évaluation avec l’assentiment du Procureur Syndic, élu par le peuple souverain pour une durée de quatre ans, et chargé de garantir les intérêts du district et du département. A Pompierre, le classement,  l’estimation et la vente des propriétés sont assurés par Claude François LARMINAUX et Thomas THOUVENIN commissaires-experts, et Sébastien REGNAUD, notaire. Les décisions sont validées sous les signatures des administrateurs néocastriens répondant aux noms de PANICHOT, BIGOTTE et CULPAIN.

La vente des propriétés du seigneur de Lavaux

C’est Thomas THOUVENIN, commissaire expert à Fréville qui est chargé d’estimer les biens de l’émigré Charles Nicolas Joseph de LAVAUX. Cette vente est d’autant plus symbolique que le seigneur de Pompierre a fui la révolution quelques mois plus tôt, le 28 octobre 1791 pour rejoindre les armées contre -révolutionnaires des Emigrés qui se rassemblent aux frontières du pays pour libérer la famille royale et rétablir la monarchie. Le Comte intègre  l’armée du Prince de  Condé le 2 novembre de la même année  avant d’être incorporé à une compagnie de cavalerie  stationnée à Ulm.

Pendant ce temps, au village de Pompierre, Thomas THOUVENIN procède à la vente des biens du Comte de LAVAUX.


 

Vente de biens du Comte du 19 fructidor An II de la République

Le commissaire aux comptes estime un moulin et ses dépendances appartenant à Charles Nicolas Joseph de LAVAUX affermé pour un bail d’une cinquantaine d’années pour le prix annuel de 472 livres. 

Le moulin et ses dépendances, ce sont un bâtiment principal avec une cuisine, un poêle, une halle et des écuries. L’estimation comprend également un jardin potager contenant 57 perches et un foulon construit récemment et actionné par les eaux de l’écluse. Au niveau dépendances, on note un terrain de 71 perches nommé le Braconnot et un pré dit des écluses.

Thomas THOUVENIN estime le tout à 6000 livres.

Lors de la même vente, le commissaire met en vente 7/4 de pré entre le déchargeoir et le moulin estimé au prix de 1400 livres avec  un revenu annuel estimé à 70 livres.

 

Vente de biens du Comte en l’an III de la République

Charles Thouvenin procède à la vente des biens appartenant au Seigneur de LAVAUX et affermés à Charles MARCHAL de Sartes :

1° lot : 22 jours de terre en pisselou. Prix principal de 5340 livres, revenu annuel 283 livres

2° lot : 6 jours de terre à la Côte Jean Marchal. Prix principal 1250 livres, revenu annuel 62 livres.

3° lot : 8 jours de terre au Rupt des Revaux. Prix principal 1700 livres, revenu annuel 60 livres

4° lot : 12 jours de terre à la Côte Jean Marchal. Prix principal 1200 livres, revenu annuel 60 livres.

5° lot : 32 fauchées de pré au Breuil. Prix principal 17600 livres, revenu annuel 931 livres

6° lot : 7 fauchées de pré à la Feuillère. Prix principal 1200 livres, revenu annuel 60 livres 

Le commissaire expert présente les comptes de cette vente :

48 jours de terre au prix principal de 9490 livres pour un revenu annuel de 490 livres

39 fauchées de pré au prix principal de 18800 livre pour un revenu annuel de 991 livres

 

Vente de biens du Comte en l’an III de la République, le septidi 1° décade du mois de brumaire

Après avoir estimé et vendu des biens de l’émigré de LAVAUX, le commissaire évalue maintenant le château et ses dépendances. La propriété comprend 15 portées de maison d’habitation, granges et écuries, bouveries et haillis, 4 réduits à porcs et à volailles, une cour, un jardin fruitier avec fontaine, un jardin potager de 67 perches, 9/4 de pré, 2 jours ½ de chenevière, 15 jours ¼ de terre, 15 fauchées de pré et 2 jours de vigne.

La demeure principale du chatelain se compose d’un château principal présente 7 portées bâties en pavillon avec son aile sur sa gauche. Le prix de la demeure est fixé à 20000 livres et les revenus annuels de l’exploitation sont estimés à 1000 livres. Le prix des terres adjacentes est fixé à 8000 livres pour un revenu annuel de 400 livres.

C’est un habitant de Bazoilles sur Meuse qui se porte acquéreur du château de Pompierre. Nicolas THOUVENIN, maître de forges devra s’acquitter de 130 livres de frais liés à la vente.

A noter que la maison du gardien du château, Louis PILLOT, avec ses aisances, dépendances, verger et chenevière, a été estimée à 1500 livres.

 

Les démarches de la famille de LAVAUX

Le Comte de LAVAUX était retiré pour raisons de santé à partir de 1786 avec une commission de capitaine de vaisseau et deux mille livres de pension sur le Trésor Royal augmentée d’une pension d’invalidité.

Ses relations avec les habitants de Pompierre ne sont pas au beau fixe et, dans une lettre du 1er décembre 1789, il se plaint de vexations et d’atteintes à la propriété à l’Assemblée Nationale.

Les choses ne s’arrangeant décidément pas, il décide d’émigrer en 1791 et de rejoindre la coalition royaliste opposée à la République.

Pendant cette période Charles Nicolas Joseph de LAVAUX lutte parallèlement pour garder l’intégrité de leurs propriétés, classées biens nationaux ; il demande sa radiation de la liste des émigrés alors qu’il a quitté le territoire et pris les armes contre la France.

Pour l’anecdote, le comte produit un certificat de résidence en mai 1792 dans le département de Mont-Terrible, chef-lieu Porrentruy, qui ne fut réuni à la France qu’en mars 1793.



 

La réponse des institutions

Les acquéreurs de biens nationaux de Pompierre ont fait observer que la radiation de LAVAULX de la liste des émigrés aurait dû être sollicitée du département des Vosges où de LAVAULX résidait en 1791.

Respectant le travail fait par les instances administratives de l’époque révolutionnaire, le Ministre de la Police Générale prononce pourtant le maintien du bannissement le 16 novembre 1798. Plus tard, le général de division d’ESTOURNEL, beau-frère du seigneur de Pompierre, écrivait le 10 avril 1800 au Ministre de la Police Générale, et justifiait l’émigration de son beau-frère par la nécessité de «se soustraire aux fureurs des désorganisateurs qui agitoient le département». En janvier 1802, alors qu’il est en résidence surveillée à Reims, il rappelle qu’il avait obtenu l’assurance du réexamen de son cas le 16 décembre précédent. En vain, puisque la famille de LAVAUX et ses héritiers devront attendre la Restauration pour bénéficier de la loi d’indemnisation des émigrés.

Petit rappel des unités de mesures :

Une portée équivaut à 120 m, une fauchée à la surface coupée en 1 jour par un individu, un jour à 35 ares, une perche à 50 m².

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