Les anciens villages du département, le cas de
L’Étanche
Il est de ces petits
villages oubliés dans les Vosges dont le nom n’évoque plus aujourd’hui que des
hameaux ou des lieux-dits de nos campagnes. C’est le cas de l’Étanche, petit
village d’à peine 100 âmes, traversé par le voyageur revenant par la route
d’Epinal au XIX° siècle. Jadis, on traversait donc ce petit village de
l’Étanche, qui s’est développé autour d’une abbaye de l’Ordre de Citeaux. Là,
ce fut toute une communauté de paysans, d’artisans et d’ouvriers qui s’est
installée et qui a fait vivre ce village de façon quasiment autonome pour ne
pas dire isolée. Jusqu’à la Révolution.
Dernier mariage sous
l’ancien régime a eu lieu entre Jean Baptiste AIMÉ, jardinier demeurant à la
maison de l’Étanche et Marguerite CROIBERT demeurant à l’Étanche le 30 juillet
1992. Pour les registres paroissiaux, l’Étanche dépendait de Rollainville.
Changement de régime
Première naissance
au village enregistrée par Jean Joseph ROUSSELOT, maire de l’Étanche. Marie,
fille de Jean Baptiste AIMÉ et de Marguerite CROIBERT née, l’an second de la
République. L’Étanche est devenu un village, avec sa mairie, son école et toute
l’infrastructure que demande l’organisation de ce village qui vient de prendre
son indépendance.
Au lendemain de la
révolution, le village est considéré comme l’un des plus pauvres du département
des Vosges. Après la revente des biens de l’abbaye comme biens nationaux, on
compte deux à trois propriétaires qui exploitent les anciens bâtiments, de
sorte qu’il n’y a aucun bien collectif. Il n’y a ni bois, ni terrains communaux
appartenant à la commune, donc pas d’affouages.
La population du
village
La population restera
stable tout au long du XIX° siècle autour d’une soixantaine d’habitants avec
quelques pics, 85 en 1846, 72 en 1866, 81 en 1891. Cela peut s’expliquer par
l’évolution du village et la transformation des bâtiments de l’abbaye à des
fins industrielles plus ou moins réussies. En fait, la variation du nombre
d’habitants correspond à la fluctuation du nombre d’ouvriers qui viennent
s’installer plus ou moins durablement pour les besoins des différentes
activités industrielles qui tentent de se développer.
Ils sont souvent
considérés par les gens du bourg comme des étrangers. Etrangers au village,
étrangers à la région ou étrangers au pays. Ce que nous relevons dans les
registres d’état civil.
Des créations d’entreprises dans le village
Une confection de
sabots s’est installée dans le village, exploitant la forêt toute proche et le
savoir-faire des paysans du secteur.
Avec sa matière
toute proche, le bois, une scierie s’installe sur les bords de la Frezelle.
Diverses activités
voient le jour. Une fabrique de ciment, une fabrique de cercles de tamis, de
bardeaux et d’échalats complètent cet ensemble qui semble promis à un bel
avenir.
C’est ce que pensent
les propriétaires du lieu qui favorisent l’installation d’ouvriers et
d’artisans avec le souci d’apporter de la modernité, celle du XIX° siècle
naissant.
Une partie de l’abbaye
est transformée en une papeterie chargée de répondre aux besoins croissants en
papier. Au bout de quelques années, elle acquière une certaine réputation dans
la plaine.
Pour répondre aux
besoins croissants de la population, une fabrique de tissage de coton
appartenant à 3 associés, venus de la ville voisine, emploie jusqu’à une
trentaine d’ouvriers. Impressionnant pour une petite localité comme l’Etanche.
D’autant qu’une teinturerie s’installe à proximité dans le but de teindre le
tissu qui sort des métiers tout proches.
Une révolution dans la culture
Une famille DE LAGABBE, de la grande bourgeoisie de Neufchâteau investit dans l’agriculture. Elle favorise l’installation d’une ferme d’avant-garde, véritable modèle de la modernisation de l’agriculture salué par les autorités de l’époque. Quelques commentaires contemporains à ces innovations : « Sur un des points saillants de la commune, se trouvent les bâtiments d’une ferme dont les dépendances peuvent atteindre 150 hectares. Cette propriété est cultivée par des fermiers travailleurs et intelligents qui s’efforcent par de bons procédés d’améliorer le sol et contribuent par d’incessants efforts à faire avancer la marche des progrès. Les diverses récompenses qu’ils ont obtenues à plusieurs comices agricoles du chef-lieu d’arrondissement prouvent suffisamment la vérité de ce qui a été avancé plus haut. »
Des produits transformés
Parallèlement à
cette production agricole, on développe tout un savoir-faire autour de la
transformation des produits récoltés. Une exploitation maraîchère se charge de
la transformation des fruits ramassés. C’est ainsi que seront exploitées les
quetsches des vergers environnants : des séchoirs pour faire des pruneaux
et des alambics pour l’eau de vie.
Ajoutez à cela une huilerie et un moulin à grains et vous aurez une idée assez complète du développement de l’Etanche après la Révolution
Vers une fusion avec Rollainville
Malgré cela, le
village ne se développe guère, en dehors de l’apport de population engendré par
les besoins en main d’œuvre. Ce type de développement démographique est un peu
à l’image des cités industrielles qui se sont nées de la migration d’une main
d’œuvre qui se déplace au gré des besoins du développement économique mais ne
se fixe pas. Pas de quoi donc structurer un village naissant. Il n’y a pas de
mairie ou d’école digne de ce nom et les témoignages des maîtres d’école qui
sont passés par là sont unanimes : les conditions d’accueil et de gestion
de la population ne sont pas satisfaisantes. Les demandes d’aides aux autorités
pour une amélioration des bâtiments communaux sont trop souvent sans réponses.
Raison de plus pour ne pas s’établir.
En conséquence, le
nombre d’habitants de l’Étanche diminue inexorablement au fil des ans.
Ils ne sont plus
qu’une trentaine en 1905. Pas de
structures communales adaptées, une population en régression, voilà de quoi
alimenter toutes les idées de fusion !
1905, la fin d’un village et le début d’une
association
C’est donc en 1905
que le pas est franchi. l’Étanche devient un hameau de Rollainville. L’état
civil de l’Étanche est clos et celui de
Rollainville enregistre désormais les actes de la vie courante du village et de
son tout nouveau hameau.
Quel a été l’avis
des populations concernées ? Leur a-t-on seulement demandé leur
avis ? Difficile de répondre.
Au recensement de
1905, le hameau de l’Étanche compte 7 familles pour un total de 18 individus.
On y retrouve les noms de VOILQUIN, GUYON, LHUILLIER, BECK,
MANGIN, DEVAUX, BELLAMY, MAHALIN et COURRIERE.
Qui se souvient
aujourd’hui que L’Étanche fut un jadis village des Vosges ? Sans doute
personne à part quelques historiens régionaux et des généalogistes qui ont eu
un ancêtre qui a peut-être vécu dans une de ces habitations à l’abri d’une
abbaye cistercienne autrefois prestigieuse.
J. Voirin, Président
du Cercle Généalogique du Pays de Jeanne.